Spiritualité

Pourquoi embrasser la mézouza?

18/10/2012 | par Aish.fr

La mézouza : un lien quotidien avec la spiritualité.

J’étais assis dans un café à attendre un ami ; j’avais choisi une table possédant une vue stratégique sur la porte afin de pouvoir le repérer dès qu’il entrait. Chaque fois que la porte s’ouvrait, je jetais un bref coup d’œil pour voir s’il était entré. À un certain moment, la porte s’ouvrit et une jolie femme de très grande taille, portant des vêtements indécents fit son apparition. Elle avait l’apparence d’un mannequin.

Avant de détourner les yeux pour les reporter sur mon menu, cette femme fit un geste qui me frappa : elle leva sa main, toucha la mézouza devant la porte et se mit à embrasser ses doigts. C’était un geste que j’avais vu des milliers de fois ; néanmoins, je ressentis un sens de la dissonance, de l’incongruité entre son manque d’identification religieuse extérieur et le geste religieux qu’elle accomplit avant d’entrer dans le bâtiment.

Le retard de mon ami me permit de mener une enquête sociologique au cours des minutes suivantes : je remarquai rapidement qu’il n’y avait absolument aucune corrélation entre l’apparence extérieure et le geste d’embrasser la mézouza en entrant ou en sortant d’une pièce.

Je classai mentalement ce phénomène comme relevant de la dimension merveilleuse de vivre en Israël, pour vivre au quotidien de tels épisodes. Il y a plusieurs années, au cours d’une période particulièrement tendue en Israël, l’agent de sécurité devant ma banque employa un dispositif de sécurité des plus inhabituels : il accueillait les clients à la porte avec un bouquet d’épices en main. Quiconque connaissait la bénédiction appropriée était autorisé à entrer ; celui qui l’ignorait devait subir un contrôle de sécurité plus conventionnel. Dans ce cas-là, aussi, je fus assez surpris de voir combien de Jérusalémites « à l’apparence non religieuse » connaissaient la bénédiction requise. Je fis une seconde remarque mentale : ne jugez jamais les gens en vous appuyant sur leur apparence extérieure.

Pourquoi alors, cette femme et de nombreux autres clients ce jour-là, embrassèrent-ils la mézouza ? En effet, pourquoi les Juifs embrassent-ils la mézouza ?

Certains le considèrent peut-être comme un geste superstitieux : ils recherchent une protection des éléments, à la fois des nuisances physiques et spirituelles qui gisent latentes, dès lors que l’on franchit la sécurité de notre foyer.1 Or, nombreux sont ceux pour qui embrasser la mézouza est une expression de foi simple et honnête. Ils recherchent une relation avec D.ieu et considèrent la mézouza comme une manifestation de ce lien.

Au Moyen-âge, un certain nombre d’autorités rabbiniques approuvèrent la coutume de toucher la mézouza avant de quitter sa maison tout en prononçant une prière de protection à D.ieu.2 La mystique nous instruit que lorsque nous touchons la mézouza, en particulier le nom en trois lettres de D.ieu – CHA-DAÏ –,imprimé sur l’extérieur du parchemin, ce dernier doit être touché, et le doigt qui a effleuré ce saint nom doit ensuite être embrassé.3

Qu’est-ce qui dans ce nom Cha-daï offre une protection et nous confère la force d’affronter le monde ? Pourquoi ce nom particulier de D.ieu est-il associé à la mézouza, à tel point que certains soutiennent que le terme Cha-daï est en réalité un acronyme de chomer dalatot Israël – « protecteur des portes d’Israël » ?4

Ce nom de D.ieu est associé à la capacité à contrôler la nature ou à maîtriser l’instinct.

Le Talmud5 explique que ce nom est lié au processus d’origine de la Création : avant le moment de la Création, il n’y avait rien. L’acte de la Création fut un acte d’expansion, qui progressa jusqu’au point où D.ieu dit à la nature : « daï » - « assez », cesse de t’accroître. Ce nom est donc associé à l’aptitude à contrôler la nature ou à maîtriser l’instinct.

Le nom Cha-daï se trouve pour la première fois dans la Torah lorsque D.ieu prescrit à Avraham le commandement de la circoncision, comme pour faire entendre ceci : bien que l’homme soit certainement une créature aux impulsions naturelles, bien qu’il soit souvent contrôlé par l’instinct, la nature peut et doit être maîtrisée. De même que D.ieu contrôle la nature, crée des frontières afin que l’univers ne continue pas à se développer jusqu’à son anéantissement, l’homme peut de même maîtriser sa propre nature, tracer des lignes à l’intérieur desquelles il peut réaliser son potentiel et se parfaire.

La figure de la Bible que l’on associe le plus étroitement à cette qualité est Joseph; le nom divin Cha-daï est employé à son égard davantage qu’à l’égard de tout autre personnage biblique. Nous nous souvenons que Yossef contrôla héroïquement son propre instinct et ses pulsions lorsque la femme de Potifar, son maître, lui fit des avances. Il pratiqua la retenue, créant et respectant les frontières de la conduite morale. Il connaissait le secret de Cha-daï.6

Bien que la coutume originelle consistât à toucher ou à embrasser la mézouza en quittant sa maison, de nombreux Juifs ont élargi cette pratique à chaque montant de porte possédant une mézouza. Ils semblent avoir décidé que prononcer une prière silencieuse et demander la protection Divine est une manière merveilleuse de ponctuer la journée de miniévénements spirituellement édifiants.

Mais le geste réellement « divin » ne consiste pas à étendre la main en direction du linteau de la porte ; il s’agit de savoir comment et quand dire : « assez – daï », pratiquer le contrôle de soi. La retenue que nous apprenons de l’acte même de la Création doit être un principe directeur qui régit notre existence, un principe d’organisation qui peut nous aider à parfaire toutes nos relations.

La retenue – le contrôle des pulsions humaines visant à s’étendre, à contrôler, à conquérir – nous aidera lorsque nous sommes au travail, et lorsque nous nous divertissons. Elle nous aidera même la prochaine fois que nous rencontrons une femme qui ressemble à un mannequin dans un café – la voir simplement embrasser la mézouza et dire : « daï », - ça suffit.


  1. Cette association remonte au moment où l’on plaça du sang sur les montants de porte pendant l’Exode, un acte qui protégea les Bné Israël lorsque D.ieu « passa sur » leur maison. Voir la Mékhilta Bo, fin du chapitre 11, qui associe la mézouza à ce rite. Voir les Responsa Divré Yatsiv, Yoré Déa 191.
  2. Voir les coutumes du Maharil, chapitre 91.
  3. Birké Yosef, Yoré Déa 285:3.
  4. Sefer Ets ‘Haim, Chaar HaKlalim.
  5. Talmud Bavli, ‘Haguiga 12a.
  6. Pour en savoir plus sur ce thème, voir Explorations (Jérusalem: Targum Press, 2001), p. 87 et suiv.

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