Spiritualité

Quatre idées fausses sur la prière

14/12/2016 | par Dina Coopersmith

J’ai le sentiment de parler à un mur. Et puis, à quoi bon prier Dieu s’Il connaît mes besoins ? Décryptage de ces idées préconçues qui minent le pouvoir de nos prières.

Quatre idées fausses principales nous empêchent de dialoguer efficacement avec notre Créateur à travers la prière.

1. J’ai le sentiment de parler à un mur. Puisque nous ne voyons pas Dieu, ni ne Le ressentons par aucun de nos cinq sens, nous sommes réticents à engager une conversation avec Lui. Un dialogue à sens unique est étrange dans le meilleur des cas ; au pire, il frôle la folie.

2. À quoi bon prier Dieu s’Il connaît mes besoins ? De deux choses l’une, argue-t-on : si nous avons besoin de quelque chose, Dieu nous le donnera, dans le cas contraire, Il s’en abstiendra. Comment la prière peut-elle Le faire changer d’avis ?

3. Dieu ne semble pas exaucer nos prières. Il nous arrive parfois de prier pour un malade, mais celui-ci meurt malgré tout. De même nous prions pendant des années pour trouver un conjoint ou pour avoir des enfants et nos requêtes ne sont pas agréées. Alors à quoi bon poursuivre nos efforts ?

4. La prière formelle est une corvée. Comment tenir une conversation naturelle avec autrui si vous ne pouvez pas décider du sujet à aborder ni du moment où vous souhaitez engager la discussion ? Ce ne s’appelle pas de la communication.  

Examinons chacun de ces blocages et voyons comment un léger changement de perspective peut créer toute la différence.

1. J’ai le sentiment de parler à un mur.

La plupart des gens croient au pouvoir de la prière. En retard pour un rendez-vous important, à la recherche d’une place de parking, avant un examen important, si un proche parent ou ami est malade, nous murmurons instinctivement une prière et demandons de l’aide. C’est bien la preuve que nous croyons en la présence d’un Être suprême

Combien de fois avez-vous parlé à un(e) ami(e) au téléphone, sans lui laisser la possibilité de placer un mot pendant une bonne demi-heure de suite ? Vous avez parlé sans perdre le fil de vos pensées, d’un ton passionné et enflammé, sans voir ni entendre la personne au bout du fil ! Le fait de savoir que votre interlocuteur vous écoute était si fort que vous avez réussi à réciter un magnifique monologue !

Alors, non, ce n’est pas l’absence d’un interlocuteur tangible qui est à l’origine de notre perte d’intérêt pour la prière. C’est plutôt notre difficulté à appréhender à quel point Dieu est réel et quelle immense opportunité il nous est offerte de pouvoir Lui parler.

Imaginez que l’on vous annonce que le président de la République vous a alloué un entretien téléphonique demain matin à huit heures tapantes et qu’il est prêt à vous consacrer vingt minutes de son temps pour écouter vos soucis et répondre à toutes vos questions.

Y a-t-il la moindre chance que vous ne vous réveilliez pas à temps le lendemain ou que vous décidiez de faire autre chose à ce moment ?

Dieu, qui est bien plus puissant et bienveillant que le plus influent des hommes, vous a donné Son numéro de portable personnel et Il attend votre appel. Lorsque vous priez, méditez quelques instants au fait que vous êtes actuellement en entretien avec le Maître de l’Univers.

2. À quoi bon prier Dieu s’Il connaît mes besoins ?

Le sixième jour de la Création, avant que l’homme ne soit créé, il est dit :

« Et aucun buisson sauvage n’avait apparu, et aucune herbe sauvage n’avait poussé, car aucun homme n’était là pour cultiver la terre » (Genèse 2:5).

Ce verset est surprenant, car le troisième jour de la Création, nous lisons :

« Et la terre produisit des végétaux … des arbres fruitiers… » (Genèse 1:12)

Où étaient donc passés les végétaux créés le troisième jour, quand le sixième jour arriva ?

Rachi, célèbre commentateur du XIème siècle, résout cette difficulté :

« Étant donné qu’il n’y avait personne pour apprécier les bienfaits de la pluie, Dieu retint l’herbe et les arbres sous la surface de la terre jusqu’à l’apparition de l’homme, qui pria pour la pluie. Ensuite il plut et les végétaux poussèrent » (Rachi sur Genèse 2:5).

C’est là un concept profond à méditer. Dieu avait toujours eu l’intention de permettre à l’homme de profiter des fruits et des légumes, des végétaux et des arbres. Mais Il s’assura qu’avant cela, Adam et Ève en ressentent le manque, se tournent vers Dieu pour en faire la demande, et ensuite seulement, Il les exauça.

Dieu nous crée des besoins, car Il désire forger une relation avec nous. Il veut que nous nous tournions vers Lui.

D’ailleurs, le fait de voir tous ses besoins comblés n’est pas forcément une bénédiction. Dans le récit d’Adam et Ève, Dieu maudit le serpent pour sa participation à la faute originelle : « Tu es la plus maudite de toutes les créatures… tu ramperas sur ton ventre et tu te nourriras de la poussière de la terre » (Genèse 3:14).

On pourrait croire que le serpent s’en tire à bon compte. Après tout, sa pitance se trouve en abondance en tout lieu et il lui suffit de ramper à même le sol pour se nourrir ! Mais les commentateurs nous expliquent la véritable teneur de cette malédiction. En substance, Dieu dit au serpent : « Je ne veux plus jamais te voir ni entendre parler de toi. Prends tout ce dont tu as besoin. Et à présent, disparais à tout jamais de ma vue. » 

Le rav Noah Weinberg zatsal racontait l’anecdote d’un certain Jérémie qui alla faire ses études dans une lointaine université. C’était à l’époque où il n’y avait ni portable ni internet, et où les nouvelles circulaient uniquement par voie postale.

Plusieurs semaines s’écoulèrent sans que le jeune homme ne donne signe de vie, et ses parents étaient fous d’inquiétude et grandement frustrés. Puis un jour, le grand-père de Jérémie vint leur apporter une lettre de ce dernier qui relatait en détail tous ses cours, sa vie sociale, ses expériences sur le campus. Ses parents en furent stupéfaits : « Comment se fait-il que tu aies reçu une lettre de lui ? Nous avons envoyé peut-être une dizaine de lettres et de télégrammes et nous n’avons reçu aucune nouvelle ! »

« Eh bien, répondit le grand-père, je lui ai envoyé une lettre lui faisant part de notre inquiétude et lui demandant de nous donner de ses nouvelles. Puis j’ai signé : "Ton papi qui t’aime. P.-S. Je joins au courrier un chèque de 100 euros pour l’utiliser à ta guise." Mais je n’ai pas joint le chèque. » 

Tant que Jérémie avait tout ce qu’il lui fallait, il n’était pas motivé à faire la causette avec ses parents. Mais une fois qu’il ressentit un certain manque, la perspective de recevoir ces 100 euros fut assez forte pour le motiver à répondre au courrier, à décrire en détail sa vie sur le campus, et à ajouter une petite note à la fin : « Au fait, papi, tu as oublié de joindre le chèque ! »

Certes, Dieu connaît nos besoins. Mais Il désire forger une relation profonde avec nous. 

Certes, Dieu connaît nos besoins ; après tout, c’est Lui qui comble tous nos manques. Mais Il désire forger une relation profonde avec nous : Il veut que nous nous tournions vers Lui, que nous reconnaissions Sa présence et que nous réalisions qu’Il est la source de tous nos besoins.

3. Dieu ne semble pas exaucer nos prières.

Il est impératif que nous changions d’optique à cet égard : Dieu écoute et exauce toujours nos prières. Mais c’est à nous de décrypter Sa réponse. Parfois, la réponse est « non ». Parfois, la réponse est : « pas tout de suite » ou : « travaille sur ta patience, ou un autre trait de caractère, et tourne-toi de nouveau vers Moi ultérieurement. »

Nous devons déterminer si notre demande est réellement salutaire pour nous sur le long terme. Si c’est le cas, il se peut que l’on nous demande de nous améliorer dans un domaine afin d’obtenir ce que nous souhaitons.

Dieu n’est pas un distributeur automatique de bonbons. Toute requête de notre part est le début d’un dialogue. Nous devons apprendre à déceler les réponses de Dieu, à tenter de les comprendre et à les accepter, pour ensuite réévaluer nos propres choix et requêtes. Continuez à présenter vos requêtes, tout en tâchant d’intégrer les messages qu’Il vous envoie, et de raffermir votre foi et votre attachement envers Lui.

4. Quel est l’intérêt d’une prière formelle ?

Imaginez que vous devez préparer un exposé déterminant devant un comité d’administrateurs en vue d’obtenir une importante subvention. Il est évident que vous prendrez des notes pour vous assurer de n’oublier aucun détail capital. En outre, vous seriez sans doute ravi de recevoir d’excellents conseils d’experts en la matière rompus aux ficelles du métier.

Tout comme lorsque vous vous adressez au P.D.G. d’une grande société, lorsque vous parlez à Dieu, vous devez impérativement clarifier vos requêtes et les motivations de ces dernières, afin d’obtenir une maximum de résultats. Les Sages de la Grande Assemblée, composée de géants de la Torah, rédigèrent les principales prières que l’on trouve dans le Sidour, le livre de prières juives, nous livrant le rituel modèle à adopter lorsque nous nous adressons à Dieu.

Ce texte préétabli met en exergue trois aspects capitaux de la prière : la conscience de l’Être suprême vers Lequel nous nous tournons ; la nature des requêtes qu’il convient de Lui adresser ; et le devoir de reconnaître les bienfaits de D.ieu à notre égard.

Si elles étaient récitées au gré de nos humeurs ou de notre propre évaluation de nos besoins, il est fort probable que nos prières seraient incohérentes et inconsistantes. Nos Sages nous offrent des secrets d’initiés : voici les choses essentielles que vous devriez Lui demander, voici ce qui importe vraiment ! La prière formelle sert de point de départ à notre dialogue avec Dieu. Mais ce dialogue ne devrait pas s’arrêter là.

Nous devons insuffler nos sentiments et nos demandes personnels dans le rituel institutionnalisé, et nous en approprier les termes.

Nous devons insuffler nos sentiments et nos demandes personnels dans le rituel institutionnalisé, et nous en approprier les termes. Sans cela, la prière se borne à la récitation mécanique d’un script, comme le discours monocorde d’un démarcheur téléphonique. Où est la sincérité ? Où est l’attachement ?

À nous de « lever les yeux de nos notes » pour parler librement à Dieu, exprimer nos désirs profonds, nos propres souhaits et nos sentiments, à travers le rituel formel.

Cette démarche nécessite une préparation, comme toute allocution importante. Accordez-vous quelques minutes au début de la journée, et réflechissez à vos besoins personnels. Puis jetez un coup d’œil à la prière de l’Amida, la prière principale qui comprend 19 bénédictions couvrant tous les rêves et besoins du peuple juif : la santé, le gagne-pain, la sagesse, la rédemption, la paix, etc.

Prenez votre liste de besoins, trouvez les bénédictions qui correspondent à vos besoins, et intégrez vos propres mots dans la bénédiction, dans votre propre langue et avec vos propres réflexions et nuances.

Par exemple, votre fils s’est mal conduit et vous vous attendez à une conversation difficile aujourd’hui avec son enseignant. En récitant la Bénédiction de la Raison, vous pourriez intercaler la prière personnelle suivante : « S’il Te plaît, aide-moi à trouver les mots justes pour expliquer à l’enseignant pourquoi il faut à tout prix que cet enfant ne soit pas renvoyé de sa classe ; de grâce, que l’enseignant perçoive les causes des difficultés de mon enfant et aide-nous tous deux à trouver le discernement pour trouver une solution qui soit la meilleure possible pour toutes les parties impliquées. »

Une prière exaucée

J’étudie par téléphone avec Yona, une femme de Tel-Aviv qui dit non religieuse. La semaine dernière, elle m’a raconté qu’elle traversait une mauvaise passe financière et aurait tellement voulu augmenter ses revenus afin de pouvoir prendre une matinée de libre pour venir étudier à Jérusalem de manière régulière. « Un matin, je me suis levée très tôt et j’ai discuté de ce problème avec Dieu, m’a-t-elle raconté. À 14:00 ce même jour, deux nouveaux clients ont pris rendez-vous chez moi ! Depuis, ils se sont engagés à me consulter régulièrement et m’ont déjà recommandé à d’autres personnes. Je ne savais même pas comment prier, mais mes prières ont été exaucées ! »

Ce témoignage m’a impressionné au plus point. Voici une femme qui se dit non religieuse, mais qui, malgré tout, n’hésite pas à se lever à l’aube pour prier. Et le plus beau, c’est qu’elle n’a même pas été surprise de voir sa prière exaucée. « J’ai beaucoup réfléchi à cette entité que vous appelez Dieu et voici la conclusion que je tire de cette croyance en un Être Infini: Il peut faire tout ce qu’Il veut, tout le pouvoir du monde est entre ses mains et Il m’entend lorsque je Lui parle. Comment me priver d’une occasion aussi rêvée de m’adresser à Lui ? »

Yona a compris l’art de la prière juive. Elle s’est tournée à Dieu, pleinement consciente de Sa présence et de Son pouvoir ; elle a clarifié ses requêtes et les motivations de ces dernières ; et elle s’est adressée à Dieu directement et sincèrement, dans ses propres mots, et puis elle a attendu la réponse.

Nous pouvons tous nous inspirer de Yona. Décrochons le téléphone. Dieu attend nos appels.

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