Éducation

Les parents chinois sont-ils supérieurs?

29/09/2013 | par Slovie Jungreis-Wolff

La position du judaïsme sur l’éducation « à la dure » prônée par les Chinois.

Quand la petite Amy Chua se montrait insolente avec sa mère, son père se mettait en colère et la traitait « d’ordure » dans le dialecte local.

Aujourd'hui, Amy est mère à son tour. Quand un beau jour, sa fille Sophia lui manqua de respect, elle la traita « d’ordure » en anglais. Un soir, lors d'un dîner, Amy provoqua un véritable scandale en racontant cela. Une invitée était tellement choquée qu’elle fondit en larmes et quitta les lieux plus tôt que prévu. Le maitre de maison ainsi que les invites qui restèrent présents tentèrent de convaincre Amy de changer ses mauvaises habitudes. Mais en vain…

Amy est professeur de droit à l'Université de Yale et avocate… des méthodes parentales à la chinoise. Dans l'une de ses dernières publications dans les colonnes du Wall Street Journal (1/8/11 - Pourquoi les mères chinoises sont les meilleures), elle explique comment les parents chinois réussissent à élever des enfants qui sont de tels modèles de réussite.

Il y a un tas de choses qu'Amy n'a jamais autorisées à ses filles jumelles adolescentes Sophia et Lulu, telles que :

  • dormir chez des copines 
  • passer des heures à jouer 
  • se plaindre de ne pas avoir reçu de rôle dans une pièce de théâtre à l’école 
  • regarder la télé et jouer à des jeux 17/20
  • ne pas être première dans toutes les matières, sauf en gym ou en art dramatique
  • jouer d’un instrument autre que le piano ou le violon 

Rien de moins !

Et ce n'est pas tout : Amy affirme que les mères chinoises peuvent tout à fait apostropher leurs filles par un élégant : "Eh gros tas, t'as des kilos à perdre !". Elle déplore le fait que les parents occidentaux fuient le sujet du poids en évoquant la seule santé, sans jamais mentionner le mot "graisse". Ce qui fait que leur progéniture se trouve finalement en butte avec de sérieux problèmes alimentaires, qui exigeront des années de thérapie pour combattre leur mauvaise image d'eux-mêmes.

Amy pense que les parents occidentaux échouent aussi en matière de suivi scolaire.

Un enfant de parents occidentaux sera félicité s'il rapport un 16/20, voire même un 12/20. Et même si les parents sont déçus par ce 12/20, ils ne désavoueront jamais leur enfant en le traitant de "stupide", "nul" ou "honteux". Même si les parents s'inquiètent des capacités de leur enfant, ils garderont leurs inquiétudes pour eux, s'autorisant seulement à aller parler au principal des méthodes du professeur et du programme scolaire.

Que feraient des parents chinois dans la même situation ?

Non seulement l'enfant d'une famille chinoise ne ramènera JAMAIS de 12/20 à ses parents. Mais si par malheur il le faisait, ses parents le recevraient avec des hurlements hystériques.

Les mères chinoises ne supportent pas les 16/20. Il est exclu que leur enfant obtienne un simple 12/20. Et si par malheur cette hypothèse malheureuse se réalisait, une pluie de hurlements hystériques qui s'abattrait sur le malheureux "cancre". Le cas échéant, la mère se sentirait tellement anéantie par "l'échec" de son enfant qu'elle lui infligerait des centaines d'heures d'exercice jusqu'à ce qu'il atteigne le seuil minimum du 16/20.

Dans l'esprit parental chinois, il est tout simplement impossible qu'un enfant ne réussisse pas. Si un enfant n'atteint pas la perfection, c'est qu'il n'a pas travaillé suffisamment. C'est aussi simple que ça. Une seule méthode éducative : la punition ou l'humiliation. Il est entendu que les enfants sont assez robustes pour supporter la honte ; c'est même le moyen idéal de les rendre meilleurs !

Amy conclut son article en apportant des preuves concluantes sur ses méthodes parentales.

Elle rapport une anecdote qui, dit-elle, renforce sa croyance dans la coercition à la chinoise.

Sa fille Lulu avait 7 ans et travaillait sur une partition de piano extrêmement difficile à jouer.

Après une semaine de dures répétitions, la petite annonça qu'elle renonçait. Elle tapa du pied et refusa de se remettre au piano. Réinstallée de force devant le clavier, elle se débattit avec force coups de poings et coups de pied, et déchira même la partition. Amy recolla les morceaux de portées et protégea le document dans une pochette plastique. Lulu fut menacée d’être privée de "déjeuner/dîner/Hanouka (son père était juif)/fêtes d'anniversaire des 4 années à venir." Elle fut traitée de paresseuse, lâche, amorphe et minable.

Le père de Lulu voulut s'en mêler. Il dit à sa femme qu'il ne pensait pas que ces menaces étaient utiles, dans la mesure où la petite était tout simplement incapable de jouer cette partition à son âge.

Amy répliqua que Sophia, la sœur ainée de Lulu, avait réussi à la jouer au même âge.

Quand le père répondit qu'il s'agissait de deux personnes différentes, Amy devint hystérique.

"Ah non, ne me sors pas ce refrain débile ! Chacun est spécial comme il est hein ? mima-t-elle de façon sarcastique. "Même les perdants sont spéciaux dans leur genre ! Ne t'inquiète pas, tu n'as pas à bouger le petit doigt. Ça prendra le temps que ça prendra, et je me fiche complètement d'être la sorcière dans le tableau familial. Toi pendant ce temps, sois le gentil papa qui prépare des pancakes et amène ses fifilles voir des matches de foot !"

La mère et la fille (de 7 ans) travaillèrent sur le morceau musical toute la nuit, sans même faire une pause pipi, ou boire un verre d'eau (ferme refus maternel). Amy hurla tellement qu'elle en perdit même sa voix…

Amy conclut son récit en annonçant triomphalement que Lulu réussit finalement à jouer sa partition en public, avec beaucoup de maîtrise et de facilité.

Fin de l'histoire.

Mais à mes yeux, l'histoire ne s'arrête pas la.

Certes, dans le monde occidental, nous permettons trop souvent à nos enfants de renoncer. Nous les laissons reculer devant la moindre difficulté, en voulant trop souvent préserver leur estime de soi de tout risque d'échec. Quiconque a déjà lu mes articles ou assisté à mes cours sait que je dénonce souvent ces travers éducatifs, qui donnent des enfants dotés d'un ego démesuré. Les parents qui applaudissent et louent n'importe quel geste de leur progéniture et ne les tiennent en aucun cas responsables de leurs actes en font des personnes qui seront toujours préoccupés de leurs petites personnes et incapables du moindre effort pour s'améliorer.

Mais ce qui me gêne dans l'article d'Amy Chuan, c'est qu'elle n'y fait nulle part mention de la personnalité de ses enfants.

Quels sont les critères de base pour évaluer la réussite d’un enfant ?

Quelles valeurs vais-je essayer de transmettre à mes enfants pour affirmer leur identité et les encourager à donner le meilleur d’eux-mêmes ?

Dira-t-on de moi que je suis un parent comblé si mon enfant réussit à jouer une partition ardue, alors qu'il est tout aussi capable d'écraser son prochain sans sourciller ?

Humilier un enfant peut apporter des résultants immédiats "probants", mais quel effet cela aura-t-il sur son âme ?

Traiter un enfant de "poubelle" ou de "gros lard" est une option. Humilier un enfant peut apporter des résultats immédiats "probants", mais qu'en est-il des effets sur son âme ? Humilier son prochain va à l'encontre des préceptes de notre sainte Torah. Nous croyons que chaque personne est créée à l'image de Dieu Lui-même. Quand vous humiliez quelqu'un, vous humiliez en fait la sainteté que Dieu a placée en chacun d'entre nous.

Et quel genre de parent cet enfant va-t-il devenir ? Comment parlera-t-il à son propre conjoint et à ses enfants ?

Est-ce le prix à payer pour rafler le titre de "super parents" ?

S’il m’était donné l’occasion de discuter avec Amy, je partagerais ma propre expérience éducative réussie avec mes enfants. Avec eux et pour eux.

Nous venions de nous installer dans le quartier et ma fille Shaindy était à l'école maternelle. Je voulais que ma fille sympathise avec ses nouveaux camarades d'école, aussi demandais-je la liste des élèves à son institutrice. Après avoir survolé de nombreux noms avec ma fille, nous décidâmes d'inviter une certaine petite Sarah Léa à jouer chez nous le lendemain après-midi.

Le lendemain, après l'école, le bus scolaire déposa les enfants. Le chauffeur me souhaita bonne chance en faisant descendre les deux fillettes. Les trois heures suivantes furent une véritable énigme pour moi. Sarah Léa ne dit pas un mot pendant toute l'après-midi. Elle suçait son pouce, et ne bougeait quasiment pas de sa place. Elle s'accrochait à la robe de Shaindy comme à une bouée.

Après le départ de Sarah Léa, j'appelai Shaindy dans la cuisine.

Je lui demandais :

— Est-ce que Sarah Léa est ton amie, mon cœur ?

— Non Maman. En fait, Sarah Léa n'a pas vraiment d'amis.

— Ah bon… Mais vous jouez ensemble de temps en temps dans la cour de recréation ?

— Non Maman, Sarah Léa ne joue jamais.

J'étais désorientée.

— Tu sais Maman, reprit Shaindy avec une voix triste, chaque jour la maitresse dit les noms de ceux qui vont chez les autres après l'école. Et chaque jour Sarah Léa pleure parce que personne ne l'invite. Alors je l'ai invitée parce que je ne voulais plus qu'elle pleure Maman.

Ma petite fille me regarda, et je ressentis soudain qu'une émotion indescriptible s'emparait de moi, quelque chose de pur et de sacré. Appelez cela âme, esprit ou saint des saints, peu importe. C'était là l'essence de tout ce que nous devons être, ou nous efforçons d'être, que nous soyons enfant ou adulte.

Aujourd'hui, Shaindy est mère elle-même. Elle vit à Jérusalem et continue de se préoccuper de son prochain et de rassasier les âmes avides d'affection.

Notre rôle de parents ici-bas consiste à enseigner la compassion, la gentillesse et la bonté. Nous devons en être les exemples par excellence, nos maisons sont nos salles de classe. Notre but est que chaque enfant atteigne son potentiel. Pas en le traitant de poubelle ou en l'humiliant. Mais plutôt en élevant un enfant avec une âme.

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