Vie Juive

Comment honorer un parent disparu ?

13/11/2014 | par Slovie Jungreis-Wolff

Quand un être cher quitte ce monde, on se demande toujours si on en a fait assez fait pour lui quand il était là. En réalité, il n’est jamais trop tard pour lui manifester amour et respect.

Ce dimanche, je me trouvais à nouveau devant la tombe de mon père. C'était la date anniversaire de sa disparation (yahrzeit en yiddish) et la coutume veut que l'on retourne chaque année au lieu du repos éternel de la personne aimée. Tandis que nous nous recueillions, ma mère, ma sœur et moi-même, une pluie glaciale s’est mise à tomber. De très grosses gouttes ont commencé à nous « bombarder ». Mais nous sommes restés à notre place. Les mots dans nos livres de prière sont devenus humides jusqu'à en être flous, mais nous n'avons pas bougé. C'était comme si le Ciel pleurait une fois de plus avec nous et partageait nos sentiments face à cette douloureuse perte.

Comme se peut-il que la douleur reste toujours aussi vive malgré le passage du temps ?

Et pourtant, en dépit de la peine, le lien privilégié qui m’unissait à lui demeure inchangé. Toute sa vie durant, papa m’avait toujours voué un amour inconditionnel. Peu importe comment s'était déroulée sa journée, il avait toujours du temps et de la patience pour moi. Je ne me souviens pas avoir jamais entendu sa voix emportée par une colère forte ou un accès de rage. Il parlait toujours de façon posée. Quand j'étais une petite fille, je le sentais toujours attentif à mes paroles. Il m'appelait tendrement Cheyfalah – « ma petite chérie » en yiddish – et apaisait tous mes chagrins d'enfant. Comme je grandissais, son beau sourire radieux m'a porté tout au long de mes années d'adolescence, et au-delà. Quand il n'y avait plus rien à dire, son regard brillant et chaleureux prenait le relais : « Tout ira bien – tu es aimée, le reste importe peu. » Aucun fardeau n'était trop lourd pour Papa, aucune heure trop tardive, quand il s'agissait pour lui d'être présent pour l'un de nous, pour ses enfants. Les années ont passé, et ce furent ses petits-enfants qui découvrirent le monde magique de l'amour absolu d'un Zayde (grand-père en yiddish).

Notre vie ensemble était rythmée de moments délicieux auxquels je pense toujours et que je chéris toujours autant. Comme je voudrais rire avec lui de nouveau, partager des rêves avec lui de nouveau, lui parler encore une fois et voir mes enfants profiter de sa sagesse. Je regrette que mes enfants et petits-enfants, avant de s'endormir, ne puissent pas entendre son apaisant Chema à l'heure du coucher. Je regrette qu'ils ne connaissent pas les moments simples qu'il nous avait appris à savourer : aller distribuer du pain dur aux canards, colorier des arcs-en-ciel colorés avec des feutres parfumés et rire aux éclats devant les miracles de la vie familiale.

Je regrette de ne plus pouvoir lui tenir la main et l'accompagner à la synagogue, ni lui préparer un délicieux repas, ou encore l'aider à mettre son chapeau ou son manteau. J'aimerais avoir la chance d'honorer mon père ne serait-ce qu'un seul instant. Quand j'entends les mots des enfants devenus grands, pleins de colère et de ressentiment à cause des erreurs terribles de leurs parents, Papa me manque encore davantage.

Même après son départ, il est encore possible de maintenir une relation privilégiée avec le défunt.

Si l'on a été béni de l'amour d'un parent et qu'ensuite celui-ci disparait de cette Terre, est-il encore possible de maintenir le rapport privilégié qui nous liait à lui ? Bien sûr nous sommes tous obligés de respecter et d'honorer nos parents, c'est l'un des Dix Commandements. Mais comment honorer mon papa s'il n'est plus de ce monde ?

Des messages empreints d’amour vers l’au-delà

Je me souviens d'une récente visite de condoléances que j'ai faite à l'une de mes étudiantes qui avait perdu son père. Tandis que je prenais place à ses côtés, elle me confia qu'elle avait une question fondamentale à me poser.

« J'aimais tellement mon papa ; comment puis-je l'honorer alors qu'il n'est plus ? »

Je lui ai expliqué qu'il existait non seulement des moyens d’honorer nos parents disparus, mais aussi de faciliter leur passage dans le monde futur. En effet, une fois qu'une âme quitte ce monde, elle n'a plus de possibilité d'accomplir les mitsvoth (bonnes actions). Nos Sages nous enseignent que l'âme se sent peinée et pleine de remords en prenant conscience qu'il est désormais trop tard pour rectifier les méfaits commis, ou pour emmagasiner des mitsvoth et atteindre ainsi le niveau souhaitable. Face au Jugement dernier, l'âme s’écrie : « Si seulement j'avais la possibilité d’amender mes voies ! »

Nous qui restons ici-bas pouvons une fois de plus témoigner beaucoup d'honneur et d'amour à nos parents. (Bien que je parle d'un parent, tous ces concepts s'appliquent à toute personne aimée qui a quitté ce monde). Car chaque fois que nous accomplissons une mitsva pour le mérite du défunt, nous aidons son âme à s'élever toujours plus haut dans les Cieux.

Nos mitsvoth deviennent ainsi la bouée de sauvetage de nos parents, car nous relions nos bonnes actions à leur âme. En conséquence, ils bénéficient désormais de nos actions. Nous pouvons ainsi forger la plus belle des relations avec l’être disparu. Bref, c’est comme si nous envoyions des messages empreints d’amour vers l’au-delà.

Comment honorer un proche disparu ?

Nos Sages ont édicté un certain nombre de moyens spécifiques nous permettant d'aider nos chers disparus à acquérir du mérite par le biais de nos bonnes actions quotidiennes. En voici quelques exemples :

- Étudier la Torah ou demander à un étudiant en Torah de dédier son étude à l'élévation de l'âme d'un défunt (en effet, pendant la semaine des Chiv'a, deuil en hébreu), les parents proches du défunt n'ont pas le droit d'étudier, d'où le recours à une tierce personne).

- La Tsedaka : Donner la charité ou offrir un Sefer Torah, des rituels de prière ou des livres d'étude à une synagogue, une école ou une association, au nom de la personne aimée. Il est recommandé d'inscrire le nom de cette personne dans les livres offerts.

- Dédier vos bonnes actions à l’être cher : Chaque fois que vous accomplissez un acte de 'hessed (bonne action en hébreu), ayez l’intention de l’effectuer pour l’élévation de l'âme de l’être disparu. L’acte de bienveillance accompli à l’égard du défunt attirera à son tour la miséricorde divine à son égard.

- Prier : On pense bien sûr à la prière du Kaddich que les descendants récitent au cours de la première année de deuil et chaque année le jour du yahrzeit. Le Kaddich proclame notre volonté de voir le nom de Dieu sanctifié. Quand on souffre de la perte d'un être aimé mais que l'on est néanmoins capable de réciter le Kaddich, cela prouve qu'on accepte publiquement la justesse du décret divin. Or cette attitude est considérée comme l'une des mitsvoth les plus valeureuses, à savoir le Kiddouch Hachem, la sanctification du nom de Dieu. Le mérite de l'âme du défunt se voit alors agrandi et consolidé.

- Prendre une Mitsva sur vous : Choisissez une nouvelle mitsva et consacrez-y vous de tout cœur. Cela peut être une mitsva que votre parent aimait accomplir, ou que vous décidez de réaliser dorénavant. Il y a des centaines de mitsvoth additionnelles possibles, comme assister les enfants handicapés, visiter les malades, conduire des personnes souffrantes à leur rendez-vous médicaux, offrir vos services professionnels à ceux qui ne peuvent pas se les permettre, cuisiner pour des familles en situation de stress…

Et cela sans parler des mitsvoth obligatoires comme réciter les bénédictions avant et après avoir mangé, respecter la cacherout, honorer le Chabbath, prier chaque jour, éviter les commérages ou les humiliations...

- Allumer une bougie commémorative en l'honneur de l'âme de vos parents : On peut allumer cette bougie quatre fois par an, en plus du jour du yahrzeit lui-même : lors du jour solennel de Yom Kippour et des fêtes de Pessah, Chavouoth et Souccoth lors desquelles est récité le Yizkor, la prière du souvenir. Nous allumons cette flamme au coucher du soleil et elle doit brûler pendant 24 heures. La flamme de la bougie symbolise l'âme humaine qui ne s'éteint jamais. Au moment d'allumer cette bougie, pensez à l'être aimé disparu et dites : « Que le mérite de cette allumage revienne à l'âme de mon parent/ami, afin qu'il trouve trouver la paix et atteigne les sommets les plus élevés dans les Cieux. »

Le jour du yahrzeit en soi nous fournit également d'autres opportunités d'aider l'âme du défunt à s'élever plus haut dans le ciel, puisqu’il correspondau jour de jugement de l'âme. Il est de coutume de se réunir autour d’un repas (séouda en hébreu), au cours duquel nous évoquons la personnalité du disparu. Nous évoquons des anecdotes personnelles qui relatent sa bonté, son indulgence ou son intégrité. Se recueillir sur sa tombe, donner la charité, et étudier la Torah sont autant de moyens supplémentaires d'attirer la bienveillance divine sur son âme.

Une invitation céleste

Avant de terminer ces lignes, j’aimerais évoquer une belle coutume qui prouve, une fois de plus, que la mort ne signe en rien la rupture de la relation avec l’être disparu.

Ce fameux dimanche de yahrzeit, lorsque nous avons terminé de lire les Psaumes devant la tombe de papa, ma sœur a ouvert son sac et en a sorti une carte d'invitation.

Dans la même semaine, sa fille allait se marier et ma sœur avait apporté une invitation au cimetière. Elle l'a posée délicatement sur la pierre tombale de notre père et l'a recouverte de petits cailloux blancs qui se trouvaient à proximité.

« Abba (Papa en yiddish), s'il te plaît, viens au mariage de ta petite-fille, et emmène avec toi Zayde et Bouba (Grand-père et Grand-mère en yiddish) » dit-elle.

Ma mère prononça alors sa propre invitation personnelle à son époux défunt, ainsi qu'à ses parents qui reposent à ses côtés. Elle sanglotait en yiddish, et les priait de se joindre à nous et de nous accorder toutes leurs bénédictions. Ma sœur a placé les invitations sur leurs tombes et a murmuré une prière personnelle. Nos larmes coulaient librement et se mélangeaient à la pluie qui tombait.

Il est de coutume d'inviter les âmes de ses parents et grands-parents à un mariage.

Lorsqu'un mariage est célébré dans ce monde matériel et qu'un nouveau foyer juif est établi ainsi, autorisation est donnée à l'âme d'assister à la houppa et de se réjouir avec les mariés. D’où la coutume d'inviter les âmes de ses parents et grands-parents à la noce.

Je me suis souvenu comment, il y a 25 ans, alors j'étais sur le point de me diriger vers ma 'houppa (dais nuptial en hébreu), mon père se tourna vers moi et me dit :

« Cheyfelah, tu es sur le point de passer sous le dais nuptial. Tu débutes une nouvelle vie, la construction de ton propre foyer. Tu ne dois jamais avoir peur. Tous tes chers ancêtres dans les Cieux sont ici avec toi ce soir. Tu n'es pas seule. N'oublie jamais ce moment ! »

Mon père m'a ensuite pris la main et, ensemble avec ma mère et toutes ces âmes précieuses, nous avons descendu l'alléenuptiale.

J'attends avec impatience la 'houppa de ma nièce cette semaine, afin de partager à nouveau un moment avec mon cher Papa, ainsi que les âmes saintes de tous mes aïeux.

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